on a beau chercher des excuses diverses et variées, placer des espoirs plus ou moins inconsidérés dans cette machine, il faut se rendre à l’évidence, la PS3 présente aujourd’hui tous les symptômes d’un flop retentissant. Quand bien même, comme nous allons le voir, la machine n’est pas encore condamnée, son avenir est déjà largement compromis.
Quand on examine les éléments marché par marché, c’est terriblement significatif.
Les chiffres.
Commençons par le plus gros marché du monde : les Etats-Unis.
Le constat est terrible, puisque, paradoxalement, l’écart entre la PS3 et la 360 n’a jamais cessé d’augmenter depuis la sortie de la console de Sony ! Non seulement cet écart ne se réduit pas, mais il ne se stabilise pas non plus, et chaque mois qui passe, le parc de 360 augmente plus vite que celui de PS3.
Ainsi, depuis la sortie de la PS3, il s’en est écoulé d’après NPD 1 352 000, alors que dans le même temps, 2 661 000 Xbox 360 ont trouvé preneurs. Un écart de 1 309 000 En 7 mois, soit pratiquement deux fois plus de 360 vendues que de PS3.
Mieux, si on compare les résultats obtenus à période égale suite au lancement respectif des deux machines, la Xbox 360, pourtant pénalisée par une pénurie qui n’a cessée que 4 mois après son lancement, s’est écoulée à 1 725 000 exemplaires, soit 373 000 de plus que la PS3, n’ayant pourtant connu qu’un mois de tensions de stocks.
Au-delà de la comparaison entre concurrents directs, l’examen des chiffres bruts de la PS3 suffit à être inquiétant. Qu’une console aussi récente tombe en dessous des 100 000 unités vendues par mois relève sans doute de l’inédit. Ces chiffres de ventes ressemblent beaucoup plus à ceux d’une console en fin de vie plutôt qu’à ceux d’une console censée prendre son essor.
Quand on étudie le marché Japonais, la situation de la PS3 n’est pas plus reluisante…et je la qualifierais même de plus inquiétante.
Le Japon est censé être pour Sony un marché naturellement fort, une base solide pour s’implanter ailleurs. A priori cela devrait être d’autant plus facilité par l’échec de la 360 qui élimine un concurrent direct.
Et pourtant…
On observe qu’au Japon, une mutation se produit, avec un déplacement d’intérêt vers les consoles portables, qui se vendent dans des quantités astronomiques (DS + PSP), alors que dans le même temps les ventes de consoles de salon sont globalement en baisse.
Et quand on se concentre sur les ventes des consoles de salon, le verdict est sans appel. La PS3 a vu ses ventes baisser à une vitesse vertigineuse, pour se situer en dessous de la barre des 10 000 unités par semaines plus de 2 mois de suite. Quelques soient les résultats des autres, celui là, déjà, en valeur absolue, est tout simplement catastrophique, d’autant plus pour une machine aussi récente qui devrait en théorie attirer de nouveaux joueurs.
Dans le même temps on observe, comme aux USA, que la PS2 a mis bien du temps à descendre, même si la baisse est maintenant largement amorcée. Et la Wii, quand à elle, se place largement au-dessus de la machine de Sony, prenant semaine après semaine une avance qui ne cesse de croître à une vitesse stupéfiante.
Pourquoi je parle de la Wii alors que j’ai soutenu au début de ce texte qu’elle était sur un segment différent ? Parce que le comportement des joueurs Japonais n’est pas forcément le même que celui des autres. Au Japon, à chaque génération de machine, une console est plébiscitée, et quand celle-ci prend de l’avance, les autres n’ont plus que des miettes à se partager. Un comportement un peu mono-marque qui laisse le deuxième très loin du premier, sans aucune perspective d’avoir la moindre chance de rattraper son retard.
Peut-être que le comportement des Japonais ne sera cette fois pas le même, peut-être que la PS3 remontera la pente, mais si on veut faire preuve d’un minimum d’objectivité, la PS3 semble déjà condamnée à n’être qu’un second rôle au Japon, tant la tendance est lourde.
Une fois n’est pas coutume, c’est bien l’Europe qui se singularise !
Le lancement de la PS3 a été jugé hâtivement comme mauvais, alors qu’au contraire c’est ici que Sony a connu le plus de réussite. Console disponible partout en quantité, aucune rupture de stock, et 600 000 machines vendues en une semaine, 800 000 en un mois. Une belle performance, renforcé par l’annonce du million de machines vendues en 2.5 mois.
Le rythme des ventes se ralenti naturellement, mais reste élevé, malgré l’emballement du lancement terminé. Il est naturellement beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions de ces excellents chiffres, le lancement restant trop proche, mais il semble que la demande est toujours importante. Comme d’habitude chez nous, les chiffres sont difficiles à obtenir, et les vérifier est encore plus aléatoire. On doit se contenter d’estimations, et des déclarations des revendeurs dans la presse économique (papier ou sur le net) spécialisée. Il semblerait donc que globalement ils soient satisfaits de la demande sur l’ensemble des systèmes disponibles, avec des variations en fonction des pays. On peut également consulter les charts de ventes de jeux publiés de temps à autre, où on peut voir des titres PS3 côtoyer les jeux PS2, Wii, DS et 360. Comme c’est la seule zone où des jeux PS3 semblent se vendre, on peut en conclure que l’intérêt pour la machine demeure.
Vous allez me dire que c’est la moindre des choses pour une console disponible depuis seulement quelques mois, et vous n’aurez pas tort. Cependant, ailleurs, il n’y avait même pas de jeux dans les charts, et le but ici est d’examiner la situation de façon la plus factuelle possible. Et de ce point de vue le constat est sans appel : Sony obtient en Europe des résultats plus que largement supérieurs à ce qu’il obtient sur les autres marchés, et il ne serait pas du tout surprenant que le parc de PS3 en Europe rejoigne puis dépasse celui installé aux Etats-Unis dans un avenir proche.
Enfin, en prenant un peu de recul au niveau mondial, il convient d’examiner comment se comportent les ventes de jeux, qui sont après tout le nerf de la guerre.
C’est sans doute un des indicateurs les plus inquiétants pour la PS3. C’est vrai que les sorties sont peu nombreuses, mais on est bien loin de retrouver les niveaux d’achats de la 360 à sa sortie, et bien peu de jeux sont dans les listes des meilleures ventes. Un indicateur qui pourrait refroidir plus d’un éditeur, n’offrant que peu de perspectives de profits sur la console de Sony.
Les raisons
On pourrait se contenter de se dire que le produit n’intéresse pas les joueurs, et il est tout à fait possible que cela soit vrai…reste à savoir pourquoi.
Le premier élément de réponse se trouve dans la console elle-même, et donc dans son prix. Le choix de Sony est radical, avec l’utilisation d’un Blue Ray qui n’intéresse pas les consommateurs autant qu’ils l’auraient cru, et dont l’utilité reste très discutable. Si ce nouveau format est un plus, la réponse est tombée en même temps que les chiffres de ventes : ce plus ne justifie pas un prix qui réserve la console à une élite fortunée. Pour pouvoir profiter de ce plus qui coûte si cher, il faut la télé qui va avec, qui elle coûte encore plus !
Le prix de la console est l’explication qui vient en premier, mais ce n’est pas la seule…
On peut également s’interroger sur la logique de « tout en un » de Sony, qui « force » ainsi la main des acheteurs à payer pour des choses qui ne les intéressent pas forcément.
Le succès de la Wii, machine simple ne servant qu’à jouer montre bien que tout une partie des joueurs veut avant tout une console, et non pas une platine multi-média.
On entend également souvent que la raison principale des faibles ventes est un planning bien creux, un line up faible, et peu de sorties, que ce soit en qualité ou en quantité depuis l’apparition de la console. C’est sans doute très vrai…mais à qui la faute ? Est-ce le problème des joueurs si Sony a mis si longtemps à distribuer des kits de développement ? Est-ce le problème des joueurs si les jeux développés en interne ne sont pas là ? Et bien oui, c’est le problème des joueurs, mais c’est bien de la faute de Sony.
Pour expliquer le fait que les jeux sortis ne sont en fin de compte pas vraiment impressionnants, ou bien même dans le cas de jeux multi inférieurs à la version 360, même quand celle-ci est sortie avant, on entend souvent que c’est parce que la PS3 est une machine difficile à programmée. Je ne suis pas programmeur, donc je suis bien incapable d’en juger…mais encore une fois, cette explication est-elle suffisante ? En quoi cela concerne les joueurs ? C’est bien à Sony de faire le nécessaire pour que sa machine montre ce qu’elle a dans le ventre et tienne au moins une partie des promesses faites !
Une autre raison, plus globale, est la mutation du marché, avec une situation un peu paradoxale. La multiplicité de l’offre fait qu’au total les ventes de hardware n’ont jamais été aussi élevées, mais dans le même temps, elles se retrouvent fragmentées entre les machines. Le prix des machines semble être en première ligne, la Wii et la DS faisant un carton, la PSP ayant également fait un bond en avant depuis sa baisse de prix. Le marché semble attendre une baisse significative de la next gen pour que les ventes décollent. Mais cela touche la 360 tout autant que la PS3, et ça n’empêche pourtant pas la console de Microsoft d’obtenir des résultats globalement meilleurs.
D’une façon général, on en saura plus quand les deux constructeurs auront décidé de baisser le prix de leurs machines respectives.
Trop chère, pas de jeux, cible mal définie…il n’y a pas besoin de chercher plus loin les raisons de ce début (enfin, après 8 mois, on ne peut plus vraiment parler de début) pour le moins poussif. Pour résumer, l’explication tiens en un seul mot : Sony. La firme a fait ses choix, a pris ses options, a parié sur une évolution donnée du marché, et, pour l’instant tout du moins, s’est trompée.
Il est courant de dire, et c’est d’ailleurs la position déclarée de Sony, que la PS3 est un monstre étudié pour durer au moins 10 ans.
Excusez mon langage, mais de telles déclarations tiennent avant tout de la foutaise de première servie pour rassurer à la fois les actionnaires, les éditeurs et ceux qui ont acheté la console. Le marché des jeux vidéos, pas plus qu’un autre, ne fonctionne pas comme ça ! Encore plus que dans d’autres secteurs, le leader, quand il obtient une avance confortable, bénéficie d’un effet de prescription (des amis, de la presse) ainsi que d’un soutien appuyé des éditeurs qui y voient naturellement leur intérêt. Plus un parc est développé, plus les ventes sont potentiellement importantes. Un produit qui ne trouve pas son public au départ est un produit qui ne perdure pas.
Parce que c’est Sony !
Avec un tableau aussi noir, comment se fait-il que le secteur en entier ne s’inquiète pas plus de la situation de cette console ?
Ce n’est pas tout à fait vrai puisque plusieurs éditeurs, et pas des moindres, ont déjà manifesté leurs inquiétudes, « conseillant » Sony pour une baisse de prix afin de (re)lancer sa machine.
Mais surtout, c’est parce que c’est Sony. Après les succès mondiaux de la PS1 et de la PS2, on n’arrive tout simplement pas à imaginer que la PS3 présente tous les symptômes de l’échec. Allez, soyons honnêtes : si il était écrit n’importe quoi d’autre que « Sony » sur la PS3, la console serait déjà déclarée en perdition !
La force de Sony, c’est de faire comme s’ils ne voyaient pas que leurs résultats sont mauvais, et de garder contre vents et marées l’attitude d’un leader du marché (ce qui reste vrai grâce à la PS2). Cette attitude, alliée au prestige de la marque qui a fait des jeux vidéo un marché de masse, fait qu’on ne peut s’empêcher de se dire « un jour ou l’autre, ça finira bien par marcher ».
Même vous, cher lecteur, même après avoir lu tout ce que j’ai pu vous raconter au-dessus, je vous vois très bien derrière votre écran, une petite moue sur le visage, pensant que je peux bien dire ce que je veux, je peux bien aligner les chiffres et les faits, « ça finira bien par marcher parce que c’est Sony ».
Et vous n’avez pas forcément tort.
Sony a encore des atouts dans son jeu, et peut renverser la tendance.
Franchement, j’en serais très surpris, mais c’est encore possible.
A partir de septembre, de gros jeux vont (enfin) sortir. Des jeux qui exploitent (enfin) la machine. Le line up de la concurrence est lui aussi énorme, mais il va y avoir (enfin) bataille !
Et puis Sony ne pourra pas rester à un prix aussi déraisonnable, et devra bien le baisser, comme Microsoft a su le faire pour la première Xbox.
Enfin, Sony, avec l’Europe, pourrait bien trouver une base commerciale sur laquelle s’appuyer.
Naturellement, le titre de cet édito (enfin, quand c’est aussi long, on appelle ça un article !) est une énorme exagération. La PS2 assure des revenus permanents, et la PSP, bien qu’écrasée par la DS, reste une console qui marche pas mal du tout.
Sony peut voir venir, peut se permettre d’être patient, et peut se permettre de garder la même attitude sereine qui va rassurer les acheteurs.
Du moins ils peuvent garder cette attitude jusqu’à, disons, la fin de l’année. Si à la fin de l’année la PS3 n’a pas réussi un redressement spectaculaire, par contre, j’ai tendance à penser que même eux devront avouer que leur machine est un échec commercial.
Mauvais pour tout le monde.
Sans doute certains s’interrogent : pourquoi Diable m’inquiéterais-je du sort de la PS3, ici, sur un site consacré à la Xbox 360 ?
Déjà, parce qu’on a beau être sur un site spécialisé, ici, pas d’œillères. On parle d’une console en particulier, mais ce sont les jeux vidéo dans leur ensemble qui nous intéressent. Je ne souhaite de mal à personne, et je voudrais que tous les joueurs, quelque soit leur système de prédilection, s’amusent avec leur machine et en profitent au maximum.
Ensuite parce que pour le dynamisme de ce marché, la concurrence est un moteur capital. Qu’un acteur aussi important que Sony n’arrive pas à décoller, que la PS3 pèse si peu sur le marché, et l’émulation entre les constructeurs qui les oblige à se surpasser et à proposer des jeux toujours meilleurs va disparaître.
Plus égoïstement, puisque j’ai la Xbox 360 et pas la PS3, je préfère Microsoft en position de challenger ! C’est une position, comme on l’a vu avec la Xbox et avec les débuts de la 360, qui leur va à merveille, et qui les oblige à chercher en permanence à attirer de nouveaux joueurs.
Dans ma « carrière » de joueur, je garde en mémoire que la période la moins intéressante pour les jeux vidéo a sans doute été celle où la PS2 a régné sans partage, après l’élimination de la Dreamcast. Jusqu’à l’arrivée de la Xbox et du Gamecube, nous avons eu le droit à un flot ininterrompu de jeux sans intérêts, d’un niveau technique indigent. Il aura suffit que le cube et la Xbox arrivent pour que les jeux, y compris sur PS2, s’améliorent sans cesse.
Je ne veux pas retomber dans une situation d’oligopole comme celle-ci.
La Wii, faible techniquement, ne sera jamais un moteur de concurrence qui fera avancer techniquement les jeux. Il faut donc impérativement que la PS3 vienne asticoter la 360, et reprenne son retard.
Je pense que tout va se jouer en cette fin d’année. Il est très probable que la PS3 et la 360 baisseront de prix, et tous les constructeurs vont faire le maximum pour prendre le virage de la fin d’année en tête. Les line-up respectifs sont très bons, tout le monde a des atouts à jouer, Sony ayant juste des cartes en moins à cause de ses faibles résultats depuis les débuts de la machine. Il est bien évident qu’une fin d’année où la PS3 serait à nouveau dominée par sa concurrente mettrait les choses au clair, annonçant une machine qui n’arrivera jamais au niveau de ses grandes sœurs.